Introduction
Le 30 septembre 2025, le Canada commémore la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Cette date n’est pas seulement un jour férié ; elle est un symbole puissant de mémoire et de reconnaissance. Elle honore les enfants disparus dans les pensionnats autochtones, les survivants, leurs familles et les communautés autochtones à travers le pays.
Mais cette journée dépasse le cadre canadien. Elle interroge la conscience universelle : comment une nation peut-elle guérir de ses blessures historiques ? Comment la mémoire, loin d’être un poids, peut devenir un socle pour bâtir une société plus juste et inclusive ?
En Afrique, un continent marqué par la colonisation, l’esclavage, les conflits internes et les régimes autoritaires, la question de la vérité et de la réconciliation reste brûlante. Le modèle canadien offre une source d’inspiration, mais aussi une invitation à inventer nos propres chemins.
Dans cet article, Eyano Publishing explore en profondeur :
- L’histoire et la portée de la Journée canadienne de la vérité et de la réconciliation.
- Les mécanismes mis en place au Canada pour transformer la mémoire en action.
- Les parallèles avec l’Afrique et les leçons que le continent peut tirer.
- Les propositions pour un processus africain de vérité et de réconciliation adapté à nos réalités.
I. L’origine de la Journée de la vérité et de la réconciliation au Canada
Le 30 septembre, aussi appelé Orange Shirt Day, est né d’un récit personnel devenu universel. En 1973, Phyllis Webstad, une enfant autochtone, entra dans un pensionnat vêtue d’un t-shirt orange offert par sa grand-mère. À son arrivée, le vêtement lui fut retiré, symbole brutal de la tentative d’effacer son identité.
Cette histoire illustre le destin de milliers d’enfants autochtones arrachés à leurs familles pour être placés dans des pensionnats où ils subissaient violence, assimilation forcée et perte de repères culturels.
En 2021, le gouvernement canadien officialise le 30 septembre comme Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, suite aux découvertes de tombes anonymes près des anciens pensionnats. Depuis, cette journée est consacrée à :
- Honorer la mémoire des victimes.
- Reconnaître la souffrance des survivants.
- Favoriser le dialogue entre communautés.
- Rappeler l’engagement des institutions envers la réconciliation.
II. Les mécanismes canadiens : au-delà du symbole
La journée du 30 septembre s’inscrit dans un cadre plus large : celui de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (2008-2015).
Cette commission a recueilli des milliers de témoignages, publié un rapport final et formulé 94 appels à l’action, touchant à l’éducation, la justice, la santé et les relations entre l’État et les peuples autochtones.
Les avancées notables comprennent :
- L’intégration de l’histoire des pensionnats autochtones dans les programmes scolaires.
- La reconnaissance officielle des torts causés par l’État et les Églises.
- Des excuses publiques du gouvernement fédéral et des institutions religieuses.
- Des commémorations nationales et locales.
Bien que le chemin soit encore long, le processus canadien montre que la réconciliation est un engagement de long terme, pas un événement ponctuel.
III. Mémoire et guérison : leçons universelles
La démarche canadienne met en lumière plusieurs principes universels :
- La vérité d’abord : aucune réconciliation n’est possible sans reconnaissance des faits.
- La dignité des victimes : leur parole doit être placée au centre.
- La mémoire vivante : il ne s’agit pas de “tourner la page”, mais d’écrire une nouvelle page avec lucidité.
- La responsabilité collective : la réconciliation n’est pas seulement affaire des victimes et des coupables, mais de toute la société.
Ces principes résonnent avec les défis africains.
IV. L’Afrique face à ses propres blessures
L’Afrique a traversé des épreuves dont les cicatrices sont encore visibles :
- Colonisation et esclavage : dépossession des terres, destruction des cultures, exploitation des peuples.
- Conflits internes et guerres civiles : RDC, Liberia (1991-2002), Sierra Leone (1991-2002), Soudan, Côte d’Ivoire, etc.
- Régimes autoritaires et violences d’État : arrestations arbitraires, disparitions, tortures.
La République Démocratique du Congo : un cas emblématique
La RDC, au cœur de l’Afrique, illustre ces blessures multiples. Après des décennies de colonisation brutale, le pays a connu des guerres meurtrières (1996-2003) qui ont laissé plus de 5 millions de morts et des millions de déplacés. Les violences sexuelles, utilisées comme arme de guerre, ont marqué des générations entières.
Jusqu’à ce jour, beaucoup de victimes n’ont pas obtenu justice ni réparation. Des initiatives locales existent, comme les tribunaux communautaires ou les projets de mémoire, mais elles manquent de moyens et de soutien politique. Pourtant, la RDC dispose d’un potentiel immense pour initier un véritable processus de vérité et de réconciliation, qui pourrait inspirer le continent.
D’autres expériences africaines
- Afrique du Sud après l’apartheid, avec sa Commission vérité et réconciliation (1995).
- Sierra Leone après la guerre civile (2002).
- Liberia avec sa commission vérité et réconciliation (2006-2009).
Ces expériences montrent que la réconciliation est possible, mais elles révèlent aussi les limites : manque de suivi, impunité persistante, réparations insuffisantes.
V. Ce que l’Afrique peut apprendre du Canada
Le Canada n’a pas trouvé la solution miracle, mais son approche offre des enseignements :
- Institutionnaliser la mémoire : créer des journées nationales, musées, monuments.
- Éduquer dès l’école : inscrire l’histoire des violences et des injustices dans les programmes.
- Impliquer la société civile : donner une place aux artistes, écrivains, leaders communautaires.
- Assurer des réparations concrètes : pas seulement symboliques, mais aussi matérielles et sociales.
- Bâtir un récit collectif : passer du « nous contre eux » au « nous ensemble ».
Pour la RDC, l’enjeu est particulièrement fort : construire un récit national qui transcende les divisions ethniques et politiques, en reconnaissant les douleurs communes et les héros de la résilience.
VI. Vers une journée africaine de la vérité et de la réconciliation ?
L’Afrique gagnerait à instaurer une Journée panafricaine de la vérité et de la réconciliation, qui pourrait :
- Honorer les victimes de la colonisation et des conflits.
- Célébrer les héros de la résistance et de la paix.
- Promouvoir une identité africaine réconciliée avec son histoire.
- Favoriser la construction d’institutions inclusives et solides.
La RDC, par son histoire douloureuse mais aussi par son poids démographique et géopolitique, pourrait jouer un rôle moteur dans ce processus.
Conclusion
Le 30 septembre 2025, le Canada rappelle au monde que la mémoire est une force, et non une faiblesse. La vérité et la réconciliation sont exigeantes, mais elles libèrent l’énergie nécessaire pour bâtir une société plus juste.
Pour l’Afrique, et en particulier pour la République Démocratique du Congo, le message est clair : notre avenir passe par la guérison de notre passé. Inspirons-nous du Canada, de l’Afrique du Sud, de la Sierra Leone, du Liberia et de nos propres traditions communautaires pour inventer un modèle africain de vérité et de réconciliation.
Parce qu’une nation qui ose se regarder en face est une nation prête à rayonner.
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Augustin Kazadi-Cilumbayi
President & Chief Executive Officer
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